Quand le vin est tiré, faut le boire !
Le problème des vignerons d'Aubière était d'écouler leur production ils l'exportèrent vers Paris au cours du dix neuvième siècle, par la voie fluviale en descendant l'Allier, la Loire, le canal de Briare et la Seine.
La batellerie fluviale était le moyen le plus économique Des bateaux en bois de sapin (ou sapinière), construits en Auvergne, descendaient ces voies navigables jusqu'à Paris où, une fois les marchandises déchargées, le bois était vendu et les mariniers remontaient à pied jusqu'à leur point de départ.
Mais il n'y avait pas que le vin, le bois ou le charbon qui atteignaient ainsi la capitale.
Deux documents de 1705 , année ou la récolte des pommes avait due être abondante, attestent que des Aubièrois utilisèrent ce mode de transport pour écouler leurs fruits vers la capitale .
Les variétés de pommes étaient : des calvilles d'Auvergne ,des reinettes et d'api.
Le voyage était long et plein d'embûches, aussi fallait-il aller chez le notaire pour que toutes modalités des transactions soient parfaitement définies.
Mais au fait qui pourrait nous renseigner sur la date de construction du premier canal de Briare, ou étaient situés le port de la Barde et le port du Mail sur la Seine à Paris?
Treté entre Pierre Raindat, Etienne Cohendy et autres chez Maître Rochette Notaire à Aubière
24 septembre 1705.
" Ont été présants en leurs personnes Pierre Raindat, marchant voiturier, habitant de la ville de Maringues, estant présent en ce lieu d'Obière, pour luy d'une part, et Ligier Delonchambon et Etienne Cohendy, laboureurs, habitants de la dite ville d'Obière, d'autre part, lesquels, parlant de leur gré et volonté, ont fait les tretés et marchés suivants: scavoir que les dits Delonchambon et Cohendy ont promis au dit Raindat de luy fournir, dans trois semaines prochaines venants et es..., plus tôt s'il arrive un vaissaut, dans les trois cens paniers de pommes menés et conduits au port de Cornon, lesquelles pommes le dit Raindat a promis et s'est obligé de conduire à ses frais et despans au port du Mail à Paris, payer tous péages et droits aussy à ses frais jusqu'à Paris, ensemble de nourrir deux hommes aussy à ses frais, dans ses bateaux jusqu'à l'entrée de Paris; à leur arrivé à Paris la despance qui sy fera se prendra en commun sur les dits fruits, et la vente d'iceux faits, l'argent qui en proviendra sera partagé d'entre le dit Raindat, dont il luy en appartiendra une moytié pour luy tenir lieu de ses voitures et l'autrc moytié appartiendra aux dits Delonchambon et Cohendy à proportion de ce qu'un chacun aura fourny, car ainsy l'ont voulu les dites parties, obligé et renoncé et soumis et fait et passé à Obière, estude du notaire en présence de Blaise Bourdier, laboureur dans Obière, qui témoin].
Delonchambon et Cohendy ont déclaré ne scavoir signer de ce enquis
Le vingt quatre septembre l'an mille sept cens cinq, aprés midy, et devont ... soussigné, avec luy Raindat.
Treté et marché de la valeur de cens livres. "
signé: Rochette
En marge: "il faut s'arrester au prix corrvenu du fruit"..
Treté entre Mr Estienne Duthiel, marchand et Charles Thévenon et autres
Chez Maître Rochette notaire à Aubière
29 septembre 1705
"Furent présents en leurs personnes Mr Estienne Dutheil, marchand voiturier de Jumeau, paroisse de Daurat, estant de present du lieu d'Obière, d'une part et Charles Thèvenon, Guillaume Arnaud, Pierre Nouellet et Jean Dégironde,fils à Michel, tous laboureurs, habitants du dit lieu d'Obière, lesquels parties, de leurs grés et volonté ont fait marché et conditions suivantes, scavoir, est que les dits Thèvenon, Arnaud, Nouellet et Dégironde ont promis au dit Duthiel de luy fournir dans trois semaines prochaines venant et mesme plus tot s'il arrive un croissant d'eau, le nombre de cinq cens soixante paniers de pommes, à raison de trois quartes le panier, menés et conduits au port de Cornon, que le dit Duthiel a promis et s'est obligé de conduire au port du Mail, à Paris, à ses frais et despens et de payer tous péages jusques au dit port et mesme de payer le boutage au port de la Barde de nuit Les dits paniers ainsy conduits bien et heureuse conditions moyennant le prix et somme de trante cinq sols pour chacun des dits paniers que les dits Thèvenon, Arnaud, Nouellet et Degironde seront tenus de payer au dit Duthiel ou à ses commis, la vante des dits fruits et sera de plus tenu le dit Duthiel de marche à un pied d'eau de telle sorte qu'il s'oblige d'arriver aussitôt à Paris que les autres voituriers du voisinage, d'encore de nourrir à ses frais et despens quatre hommes dans son bateau comme luy et ses matelots, jusques à Paris car ainsi l'ont voulu les dites parties et à de ce fait chascun d'eux oblige tous et chascun de leurs biens meubles et immeubles présens et advenir, veulent et accordent les dites parties. Les dites clauses estre discutées ainsy qu'elles sont cy dessus expliquées, à peine de tous dépens [...]
Fait et passé à Obière, estude du notaire présent Antoine Dutemple, charpentier du dit, obière[...]
... et que les parties ont déclaré ne scavoir signer de ce enquis, le vingt neuf septembre mil sept cens cinq, avant midy, et deFrançois Duret, devant le dit [...].
Treté et marché se montant à la somme, six cens livres.
Duret Rochette
(in Archives Départementales du Puy-De-Dôme: Série 5E- 03 023 -Rochette )
Dans son Histoire d'Auvergne, le Chanoine Pierre AUDIGIER, aborde dans un chapitre intitulé Richesse et Commerce témoigne, les variétés de pomme produites dans la province au milieu du XVIIIème siècle :
...
Les pommes sont encore un fruit dont la province tire un grand secours. On envoie à Paris, par la rivière d'Allier, nos pommes de calville, de reinette et d'api .On aime mieux celles qui viennent dans un terroir sec, quoiqu'elles soient moins belles que celles que produit celui qui est trop arrosé. Ces beaux et grands vergers qui font l'ornement de Clermont, de Chamalière, de Montferrand et de tous les villages d'alentour, et ceux du vallon des Martres et de Tallende et de tous les villages qui sont sur les bords de l'Allier peuvent fournir de pommes la ville de Paris ; les vergers de plusieurs autres endroits en donnent au Velay, au Limousin et à la Marche.
...
La réputation des calvilles d'Auvergne était ancienne et, au XIIIe siècle, elles étaient transportées à Paris et vendues sous les noms : le calville blanc de blandureau, et le calville rouge de rouviau :
Primes ai pommes de rouviau,
Et d'Auvergne le blanc duriau.
(Dit des Crieries de Paris, vers mill huit cent cinquante .-LEGRAND D'AUSSY, Histoire de la vie privée des Français, édition Roquefort, tome Ier, page 271 )